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Le souvenir des musiciens de la Renaissance n'a pas entièrement disparu. Pour preuve, cet extrait de roman. Si vous connaissez d'autres extraits mettant en scène un des musiciens de ce fichier, faites-m'en part, merci d'avance !
Sommaire
  1. ZAYAS, Rodrigo de, La Brigue et le Talion, 1996 (Guerrero).

Francisco Guerrero vu par le romancier-musicologue Rodrigo de Zayas :


"Non pas que tous les Nazaréens fussent de mauvais bougres ; il y en avait un en particulier que j'avais rencontré à Jaén. J'accompagnais mon père pour livrer des rouleaux de soie qu'il venait de teindre. J'avais seulement neuf ans [la scène se passe en 1555, et le narrateur est un musulman], mais je m'en souviens comme si je venais de le vivre à l'instant. Nous devions rester plusieurs jours . Le dimanche, nous fûmes obligés d'assister à la messe. Il y avait là un choeur d'enfants qui chantait sous la direction d'un maître de chapelle grand et maigre, affublé d'un nez imposant. La musique m'étonna par sa limpidité, je n'avais rien entendu de semblable à Grenade. A la fin de la messe, j'étais tellement ému par cette merveilleuse musique que je suppliais mon père de me laisser parler à ce maître de chapelle. Bien malgré lui, mon pauvre père fut obligé d'aller trouver cet homme et de lui demander s'il voulait bien me permettre de l'approcher. J'étais affreusement intimidé. Le maître de chapelle était fort laid mais il y avait chez lui une sorte de grandeur, une majesté lumineuse qu'il m'est impossible de décrire. D'une petite voix mal assurée je lui demandai si la musique était de lui. Il me répondit que oui. Je lui demandai son nom. Mon père voulut excuser mon insolence, mais l'homme sourit doucement.
  • - Aimes-tu la musique ?
  • - Oh oui !
  • - Dans ce cas, tu es différent de ces affreux garnements. Veux-tu chanter avec nous ?
  • - J'aimerais chanter avec vous, mais j'habite Grenade.
  • - Je suis Francisco Guerrero de Séville. Et toi ?
  • - Je m'appelle Francisco, comme vous !

Chaque fois que mon père allait à Jaén, je l'accompagnais pour rendre visite à mon ami musicien. Il était extraordinaire ! Il chantait avec une voix de femme et jouait de toutes sortes d'instruments. Un beau jour, il s'en retourna à Séville. De temps à autre, il m'envoyait une lettre avec une page de musique pour que je puisse la chanter avec mes amis. Je lui répondais toujours pour le remercier, mais je ne savais pas lire la musique." (p. 295-296)


[Cette scène se déroule vers 1569-70] "Le grand tribunal de l'Inquisition se trouve à Séville. Mais à Séville, il y a un Nazaréen qui est aussi un ami. C'est un homme bon [...]. Il s'appelle don Francisco Guerrero, c'est l'assistant du maître de chapelle de la cathédrale. Il y a une vingtaine d'années, lorsqu'il était encore apprenti musicien, il séjourna à Tolède pour suivre l'enseignement du grand Cristobal de
Morales. [...] C'est un homme bon et loyal. Si tu as la chance d'écouter sa musique, tu comprendras mieux ce que je veux dire." (p. 155)


ZAYAS, Rodrigo de, La Brigue et le Talion (Ce nom sans écho, T. I), Paris, L'Esprit des péninsules, 1996.