GUERRERO, Francisco (1528
(Séville)-8 nov. 1599 (Séville))
Elève de Cristobal de
Morales,
il fut maître de chapelle dans les cathédrales
de Jaén et Séville. Il resta attaché
à Séville, ce qui ne l'empêcha pas
d'entreprendre de grands voyages : Madrid, Lisbonne et Rome.
Dans cette dernière ville, il rencontra les
polyphonistes les plus célèbres de
l'époque, Giovanni Pierluigi da Palestrina
et Tomas Luis da Victoria.
Plus tard, à Venise, il rencontra le
théoricien Gioseffe Zarlino.
De son voyage en Terre Sainte (1584-1589), Guerrero ramena
un récit biographique, El viaje de Jerusalem,
publié à Séville en 1590 et
plusieurs fois réédité jusqu'au
XVIIIè s.
Francisco Guerrero fut particulièrement
apprécié pour son adresse contrapuntique. Ses
compositions religieuses témoignent d'une foi
naïve et forte ; elles utilisent fréquemment des
mélodies espagnoles et des thèmes de la
tradition liturgique mozarabe.
Elles ne reposent que rarement sur des emprunts
étrangers, comme la chanson La Bataille de
Clément Janequin
dans sa Missa de la Batalla. Escoutez (1582), et
furent adaptées au luth ou à la
vihuela
par divers musiciens, dont l'Espagnol Miguel
Fuenllana.
Son élève et assistant Alonso Lobo
écrivit une messe sur son motet Maria
Magdalene.
Francisco Guerrero vu par le romancier-musicologue
Rodrigo de Zayas :
"Non pas que tous les Nazaréens fussent de mauvais
bougres ; il y en avait un en particulier que j'avais
rencontré à Jaén. J'accompagnais mon
père pour livrer des rouleaux de soie qu'il venait de
teindre. J'avais seulement neuf ans [la scène se
passe en 1555, et le narrateur est un musulman], mais je
m'en souviens comme si je venais de le vivre à
l'instant. Nous devions rester plusieurs jours. Le dimanche,
nous fûmes obligés d'assister à la
messe. Il y avait là un choeur d'enfants qui chantait
sous la direction d'un maître de chapelle grand et
maigre, affublé d'un nez imposant. La musique
m'étonna par sa limpidité, je n'avais rien
entendu de semblable à Grenade. A la fin de la messe,
j'étais tellement ému par cette merveilleuse
musique que je suppliais mon père de me laisser
parler à ce maître de chapelle. Bien
malgré lui, mon pauvre père fut obligé
d'aller trouver cet homme et de lui demander s'il voulait
bien me permettre de l'approcher. J'étais
affreusement intimidé. Le maître de chapelle
était fort laid mais il y avait chez lui une sorte de
grandeur, une majesté lumineuse qu'il m'est
impossible de décrire. D'une petite voix mal
assurée je lui demandai si la musique était de
lui. Il me répondit que oui. Je lui demandai son nom.
Mon père voulut excuser mon insolence, mais l'homme
sourit doucement.
- Aimes-tu la musique ?
- Oh oui !
- Dans ce cas, tu es différent de ces affreux
garnements. Veux-tu chanter avec nous ?
- J'aimerais chanter avec vous, mais j'habite Grenade.
- Je suis Francisco Guerrero de Séville. Et
toi ?
- Je m'appelle Francisco, comme vous !
Chaque fois que mon père allait à Jaén,
je l'accompagnais pour rendre visite à mon ami
musicien. Il était extraordinaire ! Il chantait
avec une voix de femme et jouait de toutes sortes
d'instruments. Un beau jour, il s'en retourna à
Séville. De temps à autre, il m'envoyait une
lettre avec une page de musique pour que je puisse la
chanter avec mes amis. Je lui répondais toujours pour
le remercier, mais je ne savais pas lire la
musique." (p. 295-296)
[Cette scène se déroule vers 1569-70]
"Le grand tribunal de l'Inquisition se trouve à
Séville. Mais à Séville, il y a un
Nazaréen qui est aussi un ami. C'est un homme bon
[...]. Il s'appelle don Francisco Guerrero, c'est
l'assistant du maître de chapelle de la
cathédrale. Il y a une vingtaine d'années,
lorsqu'il était encore apprenti musicien, il
séjourna à Tolède pour suivre
l'enseignement du grand Cristobal de Morales.
[...] C'est un homme bon et loyal. Si tu as la
chance d'écouter sa musique, tu comprendras mieux ce
que je veux dire." (p. 155)
ZAYAS, Rodrigo de, La Brigue et le Talion (Ce nom sans
écho, T. I), Paris, L'Esprit des
péninsules, 1996.
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