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CERTON, Salomon (1552 (Châtillon-sur-Loing, Loiret)-ap. 1620)


Salomon Certon naquit à Chatillon-sur-Loing (Loiret) en 1552, d'une famille qui appartenait dejà probablement à la religion réformée.


"Toy qui des ton enfance
As pris accroissement au giron et au bras
D'une meilleure Eglise, exempte des fatras/inventez pour le lucre",


comme l'écrivait l'humaniste Florent Chrestien (1540-1596). Agrippa d'Aubigné, au tome III de son Histoire universelle, cite Certon comme ayant échappé au massacre de la Saint Barthélémy dans une charrette de foin : "Certon, encore vivant lors de ceste seconde attaque, tombé auprès de Merlin et couvert de paille, s'endormit et s'éveilla quand Merlin se fut sauvé. Les deux echappèrent à plusieurs coups d'épée donnés dans la paille par ceux qui les cherchaient." Salomon Certon resta dans l'entourage du roi de Navarre, obtint le titre de conseiller, notaire et secrétaire du roi. Le 7 avril 1609, après avoir servi Henri de Navarre pendant une quarantaine d'année, il résilia sa charge et se retira dans sa petite maison de Gien.
Il tenta d'abord de suivre Jean-Antoine de
Baïf et de composer des vers mesurés à la mode antique. Mais, sur les conseils de Théodore de Bèze, Salluste Du Bartas et Florent Chrestien, il abandonna. Il laisse un Traité sommaire de la quantité francaise pour faire et composer des vers mesures a la facon des Grecs et des Latins, resté manuscrit (1611 ou 1612). En voici un extrait, peu tendre pour Baïf : "la rudesse du langage qu'y apporta Mr de Baïf, et surtout sa bizarre et prétentieuse facon d'écrire où il fallait deviner plutot que lire et occuper son esprit si entièrement à dechiffrer ses figures de caractères qu'on ne pouvait penser à ce qu'il voulait dire, le fit tellement rebuter et abhorrer que cela fut déchassé du contentement universel de tous, fors de quelques peu. Entre autres de M. Rapin."
Outre ses sonnets
leipogrammes, publiés chez Jean Jannon en 1620, Salomon Certon a écrit des paraphrases de psaumes (parmi lesquels le ps. 127), tout comme Agrippa d'Aubigné. Certaines de ces paraphrases ont été mises en musique. Une partie de la correspondance du poète a été conservée, comme cette lettre d'Agrippa d'Aubigné à Salomon Certon, dans laquelle il est question d'un épigramme.

Extraits du Premier Alphabet Lipogramatique (1620)

VEILLE D'UNE NUICT

A

Espritz qui volerez sur le bruict que bourdonne
Le fleuve recourbé qui de son viste cours
Leche presque le tour de cette ville, ou l'ours
Qui fut premier trouvé le redouté nom donne :
Si devot quelquefois vostre troupe mignonne
J'honore de mes vers, et sur les legers tours
Que le soir vous tournez, de mes divers discours
De son trist' enroué pour contrebruict j'entonne.
Priez pour moy le Dieu qui se sied de costé
Sur le moite surjon de ce fleuve irrité,
Qu'il cesse un peu le bruict qui trouble mes oreilles,
Ores que je vous veux estrener de mes vers,
Puis escoute benin mille discours divers
Que je force sortir d'une nuict de mes veilles.

E

(Il n'y a pas une apostrophe pour sauver l'e)

Pour ravir la toison quand Jason courut tant,
Il y parvint pour vray, l'arrachant hors du sort
Aux dragons flamboyans : mais non par son bras fort,
Non par son bac fatal à Cholsos loing flottant.
Car sans ton fort pouvoir qui luy fut assistant
O doux fils à la nuict, par un subtil confort,
Son cas alloit fort mal ; il y fust plustost mort,
Tant grand, tant bon fust-il, tant hardy combattant.
Mais tu luy fus amy, quand ton appas charmoit
Son dragon, qui sans fin son tison allumoit,
Il joüit donc par toy du prix ainsi conquis :
Donc à toy qui luy fis un tant amy support,
Un tour tant à propos, un tant divin confort,
Soit un los immortal a tout jamais acquis.

Z

Par vostre bon secours, folastres Satyreaux,
Par vostre bon secours Dryades buissonnieres,
Par vostre bon secours Naiades fontenieres
Par vostre bon secours joyeux demons des eaux :
Par vostre bon secours Phoebus aux cheveux beaux,
Par vostre bon secours, soeurs chastes et entieres,
Par vostre bon secours, chansons non coustumieres,
Coteaux, antres, valons, sources, rives et preaux :
Je suis venu au bout de mes
lettres laissées,
A vous par le labeur d'une nuict adressées :
Et pour n'en n'estre ingrat, sur ce nouvel autel,
J'engrave cest escrit en lettres immortelles,
CERTON, POUR APOLLON ET POUR LES NEUF PUCELLES,
EN L'OBSCUR D'UNE NUICT A FAICT CEST OEUVRE TEL.


Bibliographie sommaire (avec lien vers référence complète)

  • ROUBAUD, Jacques, Soleil du soleil, Paris, P.O.L., 1990, 430 p.
  • WEBER, Edith, La musique mesuree a l'antique en Allemagne, Paris, Klincksieck, 1974, vol. I, p. 243, 245 et 249.