JANEQUIN,
Clément (vers 1485-1558 ou 1559)
Né sans doute à Châtellerault,
Clément Janequin dut être formé à
la maîtrise de cette ville. Selon Ronsard,
il aurait été disciple de Josquin
des Prés. Il
s'établit dès 1505 dans les environs de
Bordeaux : il entra en 1523 au service de Jean de Foix,
évêque de Bordeaux, puis fut chanoine de
Saint-Emilion en 1525. Il eut ensuite, jusqu'en 1531,
plusieurs prébendes de la région bordelaise.
Entre 1533 et 1535, il enseigna la musique à la
cathédrale d'Angers. En 1548, il poursuivit des
études à l'université de cette ville.
Entre août et octobre 1549, il s'installa
définitivement à Paris, rue de la Sorbonne. Il
y fréquenta l'Université, et devint chapelain
et musicien du duc de Guise, puis, en 1555, "Compositeur du
Roi". Il se consacra dès lors à la composition
d'oeuvres religieuses. Cette carrière nomade (trois
ans au maximum dans un même poste de maître de
chapelle) est très atypique en France lorsqu'on sait
qu'un Pierre Certon
resta quarante ans à la Sainte-Chapelle. Janequin
rechercha donc particulièrement la protection des
grands seigneurs et célébra les succès
militaires des différents rois et ducs
(François
Ier avec La Bataille de
Marignan et le duc de Guise avec la Bataille de
Metz). Il n'en tira guère de profit, se ruinant
dans d'interminables procès avec son frère
aîné qu'il accusait de lui avoir volé sa
part d'héritage.
Sa production revêt une importance particulière
dans le genre typiquement français de la chanson
profane. Parmi les 254 chansons composées par
Janequin (le plus souvent à quatre voix), les
pièces descriptives sont peu nombreuses (La Guerre
(ou La Bataille de Marignan (1528), Le Chant
des Oiseaux, Les Cris de Paris, Le Caquet des Femmes
(à 5 voix)), mais elles obtinrent un
succès majeur à l'époque, puique
le texte chanté par les musiciens de Rabelais
(Grand Tibaut se voulant coucher) n'est autre que le
début d'une chanson de Janequin - texte de Mellin de
Saint-Gelais
- légèrement modifiée (Un mari se
voulant coucher). Janequin contribua à
accroître la popularité de ses grandes
pièces en écrivant lui-même de nouvelles
versions. C'est ainsi qu'il publia en 1555 une version
à cinq voix de la Bataille. De nombreuses
oeuvres de Janequin se distinguent par leur veine lyrique,
l'adhésion de la musique au texte, leur
élégance fluide et leur variété
rythmique.
Dès le XVIè s., la renommée de
Clément Janequin a rapidement dépassé
les frontières françaises : plusieurs
compositeurs, comme l'Espagnol Francesco Guerrero
ou l'Italien Felice Anerio,
ont repris sa chanson La Bataille comme
matériau musical pour leurs messes. D'autres ont
adapté des pièces de Janequin soit pour
ensemble instrumental, comme Claude Gervaise
(écoutez
l'exemple !) et Andrea
Gabrieli
dans son Aria della Battaglia (adaptation de La
Guerre). Les luthistes ont également transcrit
ses oeuvres pour leur instrument. C'est le cas de la
Bataille de Marignan (Francesco da Milano,
Simon Gorlier),
ou du Chant des Oiseaux (Francesco da
Milano).
Plusieurs autres pièces furent adaptées
pour ce même instrument par Valentin Bakfark
et par l'Italien Jean-Paul Paladin.
Certains musiciens ont par ailleurs écrit des
pièces dont la référence à
Janequin est évidente. C'est le cas du franco-flamand
Nicolas Gombert, qui a laissé une Chasse du
lièvre imitée de La Chasse de
Janequin, de l'Anglais Orlando Gibbons,
auteur de Cries of London inspirés des Cris
de Paris, ou de l'Italien Alessandro Striggio,
qui écrivit une comédie madrigalesque, Il
Cicalamento delle donne al bucato e la caccia, dans la
lignée du Caquet des femmes.
Parmi les poètes de Janequin figurent :
- Clément Marot
(quinze textes mis en musique à trois et quatre
voix ; 1539-1547),
- Pierre de Ronsard
(cinq pièces (1552 et 1557), dont deux
publiées dans le supplément musical des
Amours (1552)),
- François
Ier (trois chansons ;
1533),
- Mellin de Saint-Gelais
(six pièces ; 1542-1547),
- Jean Bouchet, Claude Chappuys,
Germain Colin, Joachim Du
Bellay, Guillaume
Guéroult,
Lyon Jamet et Saint-Romard (un texte chacun ;
plusieurs de ces pièces sont adaptées du
latin).
Au XVIIè siècle, Janequin
resta célèbre par une chanson transmise de
façon modifiée. En effet, l'air
Une jeune fillette, publié dans le recueil de
Jehan Chardavoine
en 1576, n'est autre qu'une chanson de Janequin assez
déformée, mais dont certaines tournures
évoquent fortement l'original.
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